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LE CINEMA ET LA MUSIQUE EN HAUTE DEFINITION
12 août 2010

Devin Townsend - 1998 - Ocean Machine "Biomech"

Devin Townsend - 1998 - Ocean Machine "Biomech"


01- Seventh Wave
02- Life
03- Night
04- Hide Nowhere
05- Sister
06- 3 A.M.
07- Voices In The Fan
08- Greetings
09- Regulator
10- Funeral
11- Bastard
12- The Death Of Music
13- Things Beyond Things

Chronique: 19/20

A l'instar d'un vignoble déclarant qu’il existe le vin et le vin, je pourrais affirmer (à mon humble avis) qu’il existe la musique et la musique.
Il y a cette masse sonore indigeste considérée comme un métier comme un autre (je sais c’est déprimant mais que voulez-vous !), créée par le seul appât du gain et dans l’unique but d’un succès commercial et financier rapide visant à emmagasiner le maximum de billets verts (car l’effet de surprise ne marche qu’une seule fois !). Et il y a cette musique, que l’on pourra comparer à de l’art (le terme artiste étant un peu utilisé à tort et à travers ces derniers temps), créée dans une vision d’éthique et de totale indépendance afin de véhiculer des émotions sincères, brutes et reflétant un monde ou une personnalité. Un art proposant une constante recherche autant technique et musical qu’émotionnelles, un travail de fond et de forme en somme, sans trace de fainéantise polluant les ondes actuelles.

Devin Townsend fait irrémédiablement partie des hommes de cette seconde catégorie. Il s’implique incroyablement dans ses œuvres, tant que l’on peut parfois penser que cela le dépasse, qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il pond.
Que ce soit Infinity, Terria ou cet Ocean Machine, la splendeur, la magie et le mysticisme de ces albums ne se retrouve chez personne d’autres que lui, on ne pense plus à rien. Sa musique est unique et efface complètement tous les aprioris que l’on peut avoir et on se retrouve dans l’incapacité de trouver de réels points de comparaisons, prouvant le caractère artistique du canadien.

Si Strapping Young Lad dévoile le visage inhumain et schizophrénique de l’homme, sa carrière solo évoque son parfait contraire, l’expression d’une certaine quiétude et d’une paix intérieure, mais toujours avec ce sentiment d’urgence et de pression latente pesant sur nos épaules. La beauté à un prix, et son prix est cette difficulté d’accès dont souffrent les albums de Devin. Mais quelle récompense avons lorsque l’album consent enfin à s’ouvrir à nous, lorsque ce métal atmosphérique et enchanteur ouvre ses portes pour nous emporter dans son monde si particulier.
Pourtant, "Seventh Wave", le premier titre, est relativement facile à digérer. Une intro saturée à la guitare (un son de gratte absolument unique que seul Devin peut réaliser en raison de son accordage très bizarre et de son travail de production également étrange) puis un spectre sonore qui, s’il est très riche et dense, se veut facile à appréhender. Les vocaux mélodiques de Devin rappelle ce qu’il faisait chez Steve Vai.
"Life" apporte un peu plus de clarté à l’album avec une pop légère mais d’une grande profondeur d’interprétation, notamment dans le chant de Devin et les claviers contant un optimisme souvent absent des productions du génie. La partie de batterie, costaud et recherchée, apporte un petit côté metal traditionnel plaisant, comme si Devin jouait à nous faire écouter ce que nous voulons entendre.

Mais le malaise s’épaissit considérablement avec "Light" qui, malgré son titre, voit l’arrivée de vocaux bien plus saturés et oppressants, presque en retrait d'une musique comme hors du temps. Les guitares sont lourdes et le son si énorme nous abreuve d’informations contradictoires et antinomiques (beauté-agressivité, légèreté des claviers-épaisseur des guitares). Une noirceur toujours présente sur le morceau suivant, "Hide Nowhere", coincé entre féérie et opacité des ambiances avec des pistes de chant sublimes se dédoublant des dizaines de fois pour un résultat magnifique et unique.
C’est dans cette surenchère musicale (mais pas indigeste) qu’arrive "Sister" et "3 A.M", complètement dépouillés et minimalistes avec un Devin à nu et exceptionnel. Un morceau d’une beauté enivrante où les quelques effets vous emportent loin, très loin.
Ce sentiment de retrait et de minimalisme trouve son aboutissement sur "Voices In The Fan", très accessible et pop se terminant devant nos oreilles ébahis sur une chorale dégageant une émotion incroyable, palpable et d’une pureté absolue (comme sur le "War" de l’album suivant !). Mais Devin ne croit pas aux contes de fées, et il le prouve en utilisant de nombreux effets discrets mais bel et bien présents pour nous empêcher de tomber dans un émerveillement complet et béant.

L’album prendra ensuite une toute autre tournure. Le fait qu’il n’y est aucune coupure présente fait que l’on peut (et doit) écouter le disque dans son ensemble en une seule traite, aidant ainsi à créer une impression de voyage dans les tréfonds d’un monde que seul son créateur connait véritablement (et encore !). L’auditeur, continuellement baladé sans qu’il puisse comprendre ce qui lui arrive, ne pourra ressentir que la fêlure présente à ce moment du disque, avec l’enchainement de "Grettings" et "Regulator", dévastateur et joussif, Townsend chantant comme ce qu’on peut entendre dans Strapping Young Lad, c'est-à-dire avec une rage que seul lui peut exprimer et dans un mur sonore nous collant une baffe si bonne que l’on tend l’autre joue pour en prendre toujours plus (ô tentation fétichiste !). Quel son, indescriptible pour ceux n’ayant jamais écouté de leur vie un morceau de Devin (et étant par conséquent inculte d’une très grande chose).

La dernière trilogie conceptuelle de l’album, constitué de "Funeral", "Bastard" et "The Death Of Music", sera la plus musicale et approchera de l’extase musicale pure dans son unicité et sa splendeur. Si "Funeral" est un titre typique de Devin en solo, d’une grande douceur mais avec toujours cette tension latente pour une musique atmosphérique, lente et grandiose de plus de huit minutes. "Bastard" lui, n’a rien de typique.
Pendant dix minutes (ces trois morceaux font à eux trois une demi-heure de musique !), une mosaïque de sonorités explose dans nos oreilles avec un bonheur proche du divin. Traitant de la mort, mais avec une grâce incroyable, son penchant exceptionnellement atmosphérique, reposant mais dur, prend aux tripes. Si Devin impressionne souvent pour sa folie créatrice, ici, c’est avant tout l’émotion qu’il dégage qui étonne…et subjugue. La mélodie centrale provoque une espèce de dépendance auditive qui nous rend dans l’impossibilité de ne pas écouter ce titre jusqu’à sa fin tant il est passionnant et droguant. Son tempo languissant pénètre l’esprit insidieusement et brise toutes nos protections émotionnelles afin de nous mettre sans défense avant le final unique et…(mettez l’adjectif qu’il vous plaira !) "The Death Of Music".

Jamais personne n’aura fait un morceau ressemblant à ce dernier, que ce soit dans le fond où la forme. Abordant la mort d’un ami proche, ce titre est une expérience exigeante et difficile mais si profitable. Imaginez un "beat" électronique et répétitif pendant douze minutes pendant lequel Devin hurle sa peine dans une complainte déchirante de sincérité. Musicalement, il est clair que c’est très minimaliste, voir simpliste mais le but est ailleurs car l’émotion qu’il véhicule dépasse tous ce que n’importe quelle forme de technicité pourrait apporter, elle atteint de véritables sommets d’intensité grâce à cette voix parfois chevrotante, au bord de la crise de nerfs, intimiste et écorchée. Un monument de douze minutes que Devin ne dépassera probablement jamais.

Alors si vous n’avez pas compris que cet album se doit d’être dans votre discographie au plus vite, je ne sais plus quoi faire. Je ne lui accorde pas la note maximale pour le simple fait que son géniteur ait produit "Infinity" l’année suivante. Mais cela ne vous empêchera pas de découvrir ce surdoué qui réalise bien plus que de la musique…mais l’expression en sonorité d’une humanité fragile et en constant équilibre entre la paix et la folie.

Lien Megaupload: http://www.megaupload.com/?d=50GEORUR

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